mercredi 22 août 2012

Marocains: Félicitations...Vous êtes ruinés

Ceci n'est pas un article ironique, encore moins satirique, mais reflète ma vision personnelle sur l'avenir du Maroc: ce chère pays qui m'a vu naître et pour lequel j'affectionne un amour inconditionnel.

Depuis 1956, le Royaume Chérifien n'a jamais été témoin d'autant de déclin, les gouvernements se succèdent, les politiques se réinitialisent, et les projets ne cessent d'être avortés : pourquoi? Une couche marocaine appellée vulgairement "Cherfa" littéralement "Nobles" ne sont en réalité que des méchants Bourgeois (allusion faite à Molière) qui se soucient plus de leur réputation financière qu'historique. 
Comment? C'est aussi simple qu'enfantin: seriez-vous prêt à donner toute votre richesse aux pauvres? A moins que vous ne soyez infiniment philanthropes, la réponse est NON. C'est ainsi que les gouvernements ont raisonnés: pourquoi donnerais-je tout mon temps et toute ma compétence à une bande de pauvres ingrats ignorants? 

Malheureusement pour vous je suis assez réaliste pour admettre notre histoire : nous avons subi le plus grand hold-up de tous les temps, on nous a volé nos grands-parents, nos parents, notre innocence, notre éducation, notre droit à l'information, notre liberté de penser : en gros NOTRE PART DU PATRIMOINE NATIONAL !




Justice

Tout un chacun qui lira cet article se reconnaîtra: on a tous été un jour victime d'une injustice administrative, judiciaire... Mais la déception est encore plus profonde quand elle vient de l'autorité qui est censé garantir notre sécurité.
Il y a de cela exactement un an, en plein mois de ramadan, j'ai pleuré.
En sortant du travail à 18h (1h30 avant le ftour) j'ai eu le malheur de vouloir prendre le tram devant la gare, une horde de forces auxiliaires (mkhaznia) rouait à coups de matraques un employé de Kitea (Ikea version marocaine) qui lui avait eu l'audace de crier à la vue des manifestants battus comme des bêtes: hadchi hram (Ceci est injuste)! Les touristes ont commencé à sortir leur portables pour filmer, et les bestiaux ont embarqué le malheureux à l'arrière et s'y sont mis à quatre, on voyait la fourgonnette valser de gauche à droite et on imaginait la scène à l'intérieur et on entendait le gémissement de ce pauvre employé victime de son courage. Cinq minutes plus tard ils le jettent comme un sac d'ordures et sortent tout fiers en lui ordonnant de circuler, il proteste mais rien à faire: "allez porter plainte contre nous et on verra qui le juge croira, ça sera notre parole contre la tienne."

J'étais révolté, écœuré, dégoûté, je bouillonnais de l'intérieur mais j'avais tellement les boules que ma gorge se serrait et je n'ai pu prononcer aucun mot, j'ai baissé la tête et j'ai tracé mon chemin.
Quand un détritus qui n'a pas atteint le collège (le policier) méprise un doctorant (le manifestant) et le réduit à porter des béquilles ou vivre avec un handicap à vie: on court à notre perte.



Ce n'est pas tant le fait que ça soit un agent d'autorité qui administre cette correction, mais le système judiciaire dont on connait si bien la marche qui donnera raison au policier.
 Malheureusement nous vivons dans un pays où le pouvoir judiciaire est imbriqué dans le pouvoir réglementaire.




Economie

Friedman l'avait conçu, les étudiants de l'université de Chicago l'ont appliqué à petite échelle (Cuba) et l'ont fait coulé en moins de temps qu'il n'en faut pour imprimer un billet de banque, Reagan l'a modelé à l'échelle internationale, et le capitalisme le plus sauvage est né:
la déréglementation du marché, l'effacement de l'Etat ou comme disait Reagan "Government is not the solution of the problem, Government is the Problem ". Cela a duré 40 ans et pour justifier son application auprès des pays émergents on l'a appelé: mondialisation!


Jusqu'à ce que Goldman Sachs, JP Morgan, Lehman Brothers et tous les autres qu'on se plaisait à dire aux USA "Too big to fail" have actually failed, badly failed!  

Le rapport avec le Maroc? Pour une fois, la crise n'a pas touché directement notre plusbeaupaysdumonde, la raison? Parce que la crise a frappé cette fois le centre, pas la périphérie, et de grâce nous avons été épargné, mais plus pour longtemps,à cause de la super-mauvaise gestion de nos richesses, et l'affairisme atroce de nos hommes d'affaires.

S'il existe un peuple dans le monde qui s'insurge de devoir payer 80% du prix réel du pétrole au lieu des 60% auxquels l'Etat (si bon si con) l'y a sauvagement habitué c'est bien nous. 
Mais malheureusement on ne sait pas autant s'indigner devant le régime oligarchique des entreprises du MASI (à défaut de pouvoir dire CAC 40).
Tous ces bénéfices qui échappent au fisc,et qui profitent bien plus aux banques suisses, pour l'anecdote, en 1990 en pleine crise financière Hassan II avait demandé aux patrons marocains de rapatrier leur argent et leurs avoirs au Maroc, pendant près de 3 mois, la Suisse était devenue le 2ème plus gros investisseur direct au Maroc (après l'Etat), c'est pour dire le volume de l'argent caché des richissimes marocains.


Le Maroc en crise

Vous ne le savez sûrement pas, mais le gouvernement actuel a non seulement hypothéqué les salaires de vos dix années à venir, mais aussi l'avenir de vos enfants.

Le FMI a prêté au Maroc 6,2 Mrd $ pour redresser sa balance des paiements, et Banque du maroc prête hebdomadairement aux banques 60 Mrd DH pour combler le déficit abyssal dont souffre la liquidité du marché,

D'après les estimations de BAM(Banque centrale) on va très vite atteindre le seuil critique des 3 mois de réserves de changes : Catastrophe!

Seuls les Grecs savent ce que le FMI exige lorsqu'il accorde des prêts. La question est: quelle garantie le Maroc a-t-il fourni au FMI? 

Si par le plus grand des malheurs un PAS (Plan d'Ajustement Structurel) est imposé de nouveau au Maroc, cela sera bien plus rude que le précédent, imposé par le FMI en 1981 et qui a duré près de 10 ans, cette fois le Maroc risque de ne plus se remettre sur ses pieds.

Je doute qu'un parlementaire aura assez de courage pour confronter le gouvernement avec ces réalités, mais si tel est le cas, j'ose déjà appréhender la réponse de Benky: Priez Dieu pour que cela n'arrive pas.




Social 

Pour la fin, au lieu de vous faire souffrir le martyr en lisant ma rubrique, je vous laisse le soin de lire cet article de Charles André Julien, célèbre académicien qui a décrit en 1960 l'état de l'éducation nationale. On croirait lire une critique actuelle de l'état de notre école publique.

Cette lettre a été adressée à M. Bennani, Directeur du Protocole de Mohammed V.


Charles André Julien

Paris 1 Novembre 1960

Cher ami,
Depuis hier 31 Octobre, j’ai cessé d’être officiellement doyen de la Faculté des Lettres de Rabat. Je puis désormais m’exprimer en toute liberté.

J’ai été appelé par Sa Majesté à contribuer à resserrer les liens culturels entre l’Occident et l’Orient. Je l’ai fait de mon mieux. J’ai créé de toutes pièces une Faculté qui a acquis un solide renom, et qui eut pu devenir le centre culturel le plus important de l’Afrique musulmane et un centre d’attraction pour les Africains francophones. J’ai toujours été partisan de l’arabisation, mais de l’arabisation par le haut. Je crains que celle que l’on pratique dans la conjoncture présente ne fasse du Maroc en peu d’années un pays intellectuellement sous développé. Si les responsables ne s’en rendaient pas compte, on n’assisterait pas à ce fait paradoxal que pas un fonctionnaire, sans parler des hauts dignitaires et même des Oulémas, n’envoie ses enfants dans des écoles marocaines. On prône la culture arabe, mais on se bat aux portes de la Mission pour obtenir des places dans des établissements français. Le résultat apparaîtra d’ici peu d’années, il y aura au Maroc deux classes sociales : celle des privilégiés qui auront bénéficié d’une culture occidentale donnée avec éclat et grâce à laquelle ils occuperont les postes de commande et celle de la masse cantonnée dans les études d’arabe médiocrement organisées dans les conditions actuelles et qui les cantonneront dans les cadres subalternes. Avec de la patience et de la méthode on eut pu aboutir à un tout autre résultat, qui permettrait de donner à tous les enfants des chances égales d’avenir.

Le Ministère de l’Education Nationale ne parait pas répondre aux services qu’on attend de lui. On ne saurait dire que l’ordre et la compétence y triomphent, cependant que les éléments marocains les plus valables et soucieux de l’avenir de leur pays sont attaqués dans l’Istiqlal. Les dossiers importants sont parfois partagés entre trois services sans que le cabinet laisse jouer au Secrétariat général son rôle normal de coordination. Le Ministre ne semble pas désirer les contacts. A part la visite de courtoisie que j’ai pu faire après ma nomination, je n’ai jamais eu l’occasion de m’entretenir avec lui. Le Directeur de l’Enseignement supérieur, dont dépend la Faculté, ne répond généralement pas aux lettres. Les mesures les plus importantes sont improvisées, et il m’est arrivé de les apprendre par leur publication au journal officiel sans que j’aie té consulté. C’est ainsi qu’à la mi-octobre 1960, on a décidé en quelques heures de créer une propédeutique et des certificats de licence marocaine de langue française, sans que les programmes aient été au préalable étudiés et que les incidences de ces initiatives aient été mesurées. J’ai appris ces décisions en prenant connaissance de textes polycopiés déposés sur le bureau de ma secrétaire. Il est impossible de faire un travail efficace avec une technique si contraire ä la bonne administration. S’il est un domaine en effet où l’improvisation a des conséquences redoutables pour l’avenir, c’est Enseignement. On ne semble pas s’en douter.

Sa Majesté m’a appelé à Rabat pour promouvoir la culture marocaine, et non pour être complice de sa ruine. Je me suis donc retiré, laissant à d’autres les responsabilités d’une politique universitaire qui me parait imprudente et vouée à l’échec. Je répète que le Maroc est totalement libre de choisir la politique culturelle qui lui semble la meilleure, mais c’est à des Marocains qu’il doit en confier l’application. C’est pour cela que j’ai sollicité du Ministre mon remplacement par un doyen marocain. Un autre point me parait grave quoique d’un autre ordre, c’est celui de la situation faite aux fonctionnaires français qui sont en place, telle que j’ai pu l’apprécier par ma propre expérience. Que le Maroc les remplace par des nationaux, cela est tout à fait normal, mais qu’il ne leur témoigne pas des égards auxquels ils ont droit, cela me parait difficile à admettre. Depuis trois ans, j’ai consacré la majeure partie de mon temps au Maroc sans autre rémunération que le remboursement partiel de mes frais. Je l’ai fait volontiers, mais que l’on m’ait placé à plusieurs reprises devant le fait accompli alors que j’avais la responsabilité de la marche de la Faculté, cela ne saurait être admis par un homme conscient de sa dignité. Faire toutes les besognes officielles, et être tenu à l’écart des décisions fondamentales, c’est pour un doyen une position morale qu’il lui est impossible de supporter. Quand par exemple, le Recteur organise un banquet en l’honneur de son collègue de l’Université de Paris, le Professeur Debré, et qu’il y invite mon adjoint M. Ben Bachir sans m’y convier moi même, bien qu’il sache ma présence à Rabat, il pratique une ségrégation regrettable qui m’oblige à me souvenir que le soir de la Celle Saint-Cloud, j’étais l’hôte de Sa Majesté au premier dîner en l’honneur du Maroc indépendant. Je puis mesurer par ce seul fait les changements qui se sont produits depuis cinq ans.

A la cérémonie émouvante qui a marqué mon départ, et à laquelle assistaient de nombreux marocains et français, j’ai été salué par un professeur, fonctionnaire du rectorat, et par le vice-doyen de la faculté. Le ministre n’était pas présent, et pas d’avantage le directeur de l’enseignement supérieur. Ce sont les Marocains qui ont éprouvé le plus de gène. Si j’ai reçu une lettre très aimable du recteur, le ministre n’a pas cru devoir me témoigner la reconnaissance du Maroc, soit en m’écrivant, soit en me recevant. Par contre, l’ambassadeur de France et le conseiller de la Mission culturelle dont je ne dépendais en aucune mesure et qui ont toujours strictement respecté l’autonomie de la Faculté, m’ont réservé à plusieurs reprises le meilleur accueil. Je me serais abstenu de signaler l’attitude à mon égard du Ministre de l’Education Nationale si elle n’avait entraîné des conséquences sur lesquelles je vous serais obligé de bien vouloir attirer l’attention de Sa Majesté. Depuis le 10 mai dernier (2), date à laquelle j’ai donné ma démission, j’ai écrit à plusieurs reprises au Ministre pour l’informer de la situation. II n’a pas jugé utile de m’accorder un entretien. Avant de retourner au Maroc, je l’ai informé que je serais à Rabat, pour un dernier séjour, à partir du 13 Octobre et que je me tiendrais à sa disposition. J’avais l’intention de le prier de solliciter pour moi une audience de sa Majesté. Fonctionnaire chérifien, je devais en tant que français donner l’exemple du respect de la voie hiérarchique qui s’impose à tous. M’adresser directement au Palais, sans passer par l’intermédiaire de mon ministre eut manqué aux règles les plus impératives de l’Administration. Mon Ministre ne me convoquait pas, j’ai été mis dans l’impossibilité à mon grand regret de présenter à Sa Majesté mes remerciements pour la confiance qu’elle m’a toujours témoignée.

Croyez mon ami à mes souvenirs les meilleurs.

Charles André Julien, professeur à la Sorbonne ».

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire